L'homme qui choisit mal sa femme - 2ème partie
Homme-Sans-Rien partit donc chasser loin de sa tribu. De peur que sa femme ne le suive et le rejoigne, il effaça ses traces en traînant un orme derrière lui. Parvenu dans une large vallée, il tua une chèvre sauvage. Comme il avait grand-faim, il décida de manger sa viande crue. Il en découpa un morceau et le mâcha. Mais cette chair n'avait aucun goût. Homme-Sans-Rien eut beau choisir d'autres parties de l'animal il obtint le même résultat. La viande était fade et ne ressemblait en rien à celle qu'il avait absorbée jusqu'ici. Il continua à tailler en divers endroits, jusqu'au moment où la viande lui parut savoureuse. Homme-Sans-Rien continua de manger en se disant : « J'ai eu raison d'insister. Ce quartier est un vrai régal. » Mais lorsqu'il rejeta la dépouille de la chèvre sauvage, il vit qu'il s'était dévoré la cuisse. Homme-Sans-Rien s'essuya la bouche et se plongea dans une profonde méditation. Il songea : « C'est quand même bizarre, j'ai mangé ma propre chair sans m'en rendre compte. Cette femme anormale que j'ai épousée m'aurait-elle jeté un sort ? » Effrayé par cette perspective épouvantable, Homme-Sans-Rien décida de fuir à l'autre bout du monde. Toutefois, comme il avait encore faim, il se dit : « je peux bien manger ma seconde cuisse puisque j'ai déjà avalé la première. » Ce qu'il fit. Mais Homme-Sans-Rien n'arrivait pas à rassasier son insatiable appétit. Il mangea son mollet gauche, puis son mollet droit. Ensuite, pris d'une frénésie dévorante, il découpa ses flancs, ses côtes, la chair de ses bras et avala tout. Homme-Sans-Rien engloutit toute la nuit sans pouvoir satisfaire sa faim. Au matin, il s'aperçut qu'il s'était dévoré lui-même et qu'il n'était plus qu'un squelette. À l'intérieur de ses os parfaitement raclés, il ne restait plus que son foie, son coeur et ses intestins. Homme-Sans-Rien pensa : « Si je ne veux pas mourir, je ne dois en aucun cas consommer ces dernières parties. » I1 resta donc sur sa faim et entreprit d'escalader une haute montagne. Au cours de son ascension, Homme-Sans-Rien s'aperçut bien vite que ses os s'entrechoquaient à chacun de ses mouvements. Il fit une pause et songea : « Mon squelette fait maintenant du bruit quand je marche, je dois me trouver un nom en rapport avec mon nouvel état. »......(à suivre)